dimanche 24 janvier 2016

Chasse (sous marine), pêche et transitions

On ne compte plus les franchissements du canal du bordelais qui sépare Hiva Oa de Tahuata. Pourtant joindre Hiva Oa est toujours moins plaisant qu’un départ pour l’île d’en face, joindre Hiva Oa c’est surtout ramener ou récupérer des potes en week-end ou en vacances, se connecter au reste du monde ou faire un peu d’avitaillement. Voilà à quoi se résument les étapes à Atuona, et pourtant quelques fois une opportunité égaye l’escale.

 Par le biais de Julien on nous propose 2 étalons à balader.  Deb et Bertrand, anciens cavaliers, m’entraîne dans le délire, je me persuade, super!
Le propriétaire des bêtes (Fano) nous rejoint dans son premier champ et nous présente Tarzan, il sera la monture de Deb. On les laisse faire connaissance en compagnie de Bertrand (en vélo) pendant qu’en voiture Fano m’amène à un autre champ pour préparer Staline… Un mors, une longe, un pauvre tapis en guise de selle, pressé Fano s’en va et en s’éloignant me lance : « Staline est un peu bourru, si tu n’es pas bon cavalier monte le quand il sera fatigué »… Et me voilà avec Staline, une longe nous sépare, j’ai perdu Deb et Bertrand, je n’ose pas monter, je suis tout seul au milieu des Marquises avec cet animal qui tente de manger mes tongues, «qu’est ce que je fous là?»
J’ai bien fini par retrouvé l’équipe Tarzan au bout d’un long moment, j’ai aussitôt exigé qu’on me débarrasse du canasson, Bertrand en fait son affaire, je pédale sur le vélo…
Finalement ca à été une bonne promenade, sous les conseils de Deb j’ai bien fini par enfourcher Tarzan, si on ne tiens pas compte de la douleur aux fesses on peut dire que c’est agréable! Or au bout de quelques heures Bertrand et moi avons la raie des fesses à vif et des bleus aux cuisses, la douleur est intenable, Bertrand finira à pied… Il nous faudra pas moins de 7 jours pour cicatriser des fesses et pouvoir s’assoir sur nos séants, plus jamais sans selle!!!





Afin de panser nos blessures nous choisissons l’exil, oh pas bien loin, Tahuata pour changer, cap sur la cote sous le vent, la baie Vaitahu pour le changement d’année. A l’approche du mouillage nous découvrons la baie, cette fois pas de plage, juste un quai et une digue de gros cailloux abritant un petit village, en arrière plan les hautes montagnes vertes qui plongent en falaises et en dorsales volcaniques.



le cailloux poisson annonce la couleur


A peine l’ancre jetée Bertrand reconnais un de ses amis, Daniel, également au mouillage. J’avais déjà entendu parler de ce bonhomme pour ses exploits de pêche sous marine,  la légende raconte qu’il pêche le gros dans le bleu (comprendre en haute mer) à l’aide d’un flasheur (suspension d’objets brillant) ou en mettant son voilier à la cape près des DCP (dispositif de concentration de poisson, lignes fixes de plusieurs kilomètres offrant des abris à poissons). Les 2 compères sont déjà en tenue de combat et m’embarquent illico… 2 heures plus tard nous rentrons chargés, comme à son habitude Bertrand à habilement prélevé de beaux spécimens : carangue et utu entre autre.

le utu

carangue bleue, carangue leurre, utu et perche

Lorsqu’on ne connait pas le coin il est préférable de demander à des locaux si nos pêches sont comestibles. La ciguatera guette, c’est une toxine présente dans certains poissons due à la consommation d’algues coralliennes pour les herbivores ou à la consommation d’herbivores toxiques pour les poissons carnivores… La sentence est lourde, les effets sont terribles : sensations de brulures au contact de l’eau, fièvres, nausées, démangeaisons cutanées et intestinales, et oui, ca gratte dedans, d’où le surnom : la gratte. Pour couronner le tout la peine est assortie d’une interdiction à la consommation de viande, poisson ou protéines en général et alcool pendant 2 mois… Donc méfiance!
A la vue de notre pêche les avis des locaux divergent, on n’est pas plus avancé… nous ne gardons que le utu et l’attaquons en poisson cru au lait de coco, en très petite quantité le premier jour… pas d’effets… festin le second jour, et là, gros doute, à la fin du repas Deb et Bertrand ont les mains et les pieds gratteux, j’ai les lèvres brulantes, damned!!! Aucun doute, le poisson est chargé, par chance les effets ne vont pas plus loin, la toxine doit être présente en petite quantité… ca ne sera pas pour cette fois…

Cet épisode ayant un peu refroidit les ardeurs et le réveillon approchant il est décider de fêter la nouvelle année à grand coups de confit de canard et de pommes de terre, un régal! Il est des conserves précieuses que chaque marin sait garder à son bord pour les grandes occasions… Gael et son équipière nous rejoignent, nous trinquons à la nouvelle année à bord de Holiday, le bateau de Daniel.

2016 commence mal, une dépression tropicale menaçant les Tuamotu d’un cyclone fait rage à l’ouest, pour nous le vent monte et la houle grossi, la baie est ouverte sur l’ouest, le mouillage est brassé… Gael, Daniel et les autres voiliers s’en vont, il ne reste plus que nos 2 bateaux. Nous attendons 24h pour voir l’évolution, en attendant on se colle au plein d’eau, il y a une source à terre. Le petit quai se voit frappé par les vagues, débarquement compliqué en perspective. Nous choisissons l’option mouillage des annexes et débarquement à la nage avec nos bidons sur les cailloux. En deux trajets nous récupérons 230L, non sans sueurs froides, l’ancre de Bertrand à dérapée, son annexe s’est échouée sans mal et la notre à bien failli subir le même sort… Super sensations quand même! Le reste de la journée est dédié à la pêche, Bertrand est remonté, il veut tirer du thon, écartant ainsi tout risque de contamination ciguatérique. On compte sur le gros temps pour apporter son lot de cibles de choix mais pour le thon il faut être équipé. Bertrand met au point son flasheur et nous préparons les lignes raccordant nos fusils à un train de bouées pour ne pas « partir avec le poisson ».  Deb vient avec nous, elle restera dans l’annexe pour la sécurité, direction le large. La houle est forte, ca déferle dans l’annexe, on se met à l’eau pour alléger l’embarcation. Le flasheur attire les poissons, seulement on ne peut pas prévoir lesquels. On se doutait bien que les requins en faisaient potentiellement parti, on n’a pas été déçu… Dans le bleu je suis le sillage de Bertrand, plus à l’aise que moi, pas de cible en vue pour l’instant, c’est derrière nous que ca se passe. Bertrand décrira la scène comme ca : « j’ai senti mon fusil (relié aux bouées) tiré par à-coups  en arrière ». Nous nous sommes retournés en même temps et avons découvert la bête avec une certaine stupeur. Un requin de 4 bons mètres venait de taquiner les bouées et s’était emmêlé dans la ligne, faisant des tonneaux sur lui-même traduisant un certain énervement, nous montrant tantôt son ventre blanc, tantôt ses rayures sur ses flancs : pas de doutes, c’est un énorme requin tigre, l’un des moins sympathiques de son espèce. Nous échangeons un regard avec Bertrand, sans hésitation il coupe d’un coup de couteau le fil qui le relie aux bouées pendant que je fais signe à Deb de venir nous cueillir. Elle n’avait rien vu encore. Rapidement nous avons mis les gaz en s’éloignant de la zone avec une certaine inquiétude que l’animal ne s’en prenne à l’annexe… mais non, nous sommes toujours là, et toujours d’attaque pour une prochaine pêche. Je ne faisais pas le malin, sans la compagnie de Bertrand il m’aurait fallu beaucoup de motivation pour me remettre à l’eau.


Le lendemain c’est Bagdad, la houle passe par-dessus la digue et fait disparaitre le quai, le mouillage est tendu pendant les rafales, coup de fil de Daniel et Gael qui mouillent au nord, ils nous invitent à les rejoindre à l’abri, OK, on se casse!


Arumbaya fait un crochet par Hiva Oa, nous devons embarquer Julien, en congé, et Alexis, en vacances, en plus des courses pour tous les copains. Re-canal dans un sens, et re-canal dans l’autre, l’équipe est à nouveau au complet au mouillage du « sous-marin » au nord de Tahuata, Bertrand embarque Julien et nous Alexis.



Contrairement à Vaitahu, ce mouillage offre une belle plage et des collines douces à la végétation rase ou l’on peut voir des troupeaux de chevaux sauvages et des chèvres en liberté. En pleine période de vacances scolaires la plage est parsemée de campements habités par des marquisiens d’Hiva Oa venus en speed boat.




Quelque chose dans l’eau ne va pas en ce moment, tous nos bobos sont en train de s’infecter et se transforment en « bobos de cheval », les rinçages d’oreilles ne suffisent plus, je sens que l’otite reprend du service, nous sommes contraint de limiter les baignades et séances de pêche, pansements et cures d’antibios pour presque tout le monde… c’est frustrant!


Autant naviguer alors! Cap sur la baie de Hapatoni, la baie la plus au sud de la cote sous le vent. On arrive alors dans une baie ultra sauvage, on a l’impression de mouiller dans la forêt tellement on est proche du bord, il faut dire que si on ne veut pas mouiller par 30m de fond il faut venir se mettre « à l’ombre des arbres ». J’exagère un peu mais l’absence de transition entre côte et forêt donne cette impression, renforcée par la position de la baie, à l’aplomb d’un haut versant très abrupt.




en arrière plan, la face de Julien

et le ... de Julien

Alexis


La compagnie d’Alexis à bord est très agréable, ca colle bien. Arumbaya et El Vadrouil’ sont inséparables désormais, nous mouillons toujours ensemble, naviguons bord à bord, et partageons tous les repas, du petit dèj au diner, une affaire qui roule! En pleine convalescence cicatrisante nous nous occupons entre jeux de société et petit bricolage, jusqu'à ce qu’un speed boat apparaisse dans la baie, venant dans notre direction. Il s’agit de Daniel qui à réussi à motiver son ami marquisien Gaston pour nous amener à une séance de pêche au gros… Coup dur, nous cédons finalement à l’invitation, au diable les bobos! Seuls Julien et Deb déclinent, préférant mettre le pied à terre.

Les 200cv poussent énergiquement l’embarcation vers la pointe sud de l’île, nous doublons des petites baies vierges de toutes âmes séparées par de hautes falaises volcaniques plongeant dans l’eau. C’est là que nous nous arrêtons. La falaise poursuit sa descente vertigineuse dans l’eau bleue, insondable… Gaston nous fait le briefing de la population de poisson : nous pourrons peut être avoir la chance de tirer du thon, sinon, grosses carangues, coulipo, et autre; et aussi, présence de requins, ne pas coller sa prise près de soi! Tout le monde est chaud, Alexis et moi nous sentons un peu débutants, on ne reste pas loin l’un de l’autre, entre excitation et inquiétude… Souvenirs du requin tigre… Rien sur ce spot, on remonte tous à bord et naviguons jusqu'à la pointe suivante, même configuration, je fais encore équipe avec Alexis et j’ouvre le bal avec joie : une belle carangue « gros yeux ». Le but de la sortie est simple : en échange de la sortie et du carburant nous devons remplir la glacière de Gaston, ce qui a fait de cette sortie une véritable boucherie, ou plutôt poissonnerie, on n’avait jamais remonté autant de poissons, d’habitude on s’arrête lorsque nous avons de quoi faire un ou deux repas, là on à surement dû nourrir plusieurs familles. Tout y passe, nason, poisson morpion, perche ardoise, carangue bleue, carangue leurre, marara. Le tout sur plusieurs spots, même en haute mer lorsque nous avons vu un attroupement d’oiseau plongeant dans l’eau (signe de thons), nous n’y avons croisé que de petites bonites. La palme revient encore à Bertrand avec une méga carangue bleue. Une super partie de pêche qui a duré toute l’après midi, nous rentrons rincés au bateau, Gaston est très content de nous, il nous prépare un petit plat à base de poisson cru et de coco fermenté, le tout agrémenté de dégustation de « bonbon », nom local pour l’herbe… autant dire que nos carcasses ne valait plus rien lorsque Gaston est reparti avec Daniel… Dodo!!!

Daniel et Gaston devant




Les jours qui ont suivis ont été plus calmes, quelques ballades à terre, quelques nages à proximité des dauphins qui viennent en banc autours des bateaux et un peu de pêche naturellement. L’ami Bertrand en profite pour battre son reccord : carangue de 15kg que nous échangeons à terre contre des morceaux de bœuf sauvage et des légumes… Comme la vie est simple et agréable dans ce coin du globe!




Puis la pluie… la pluie qui dure, la pluie sans vent, étouffante, celle qui coule sur la peau en se mélangeant à la sueur, mais aussi la pluie qui rempli les cuves et les bidons, permettant de prendre des douches sans compter…  La météo à parlé, une dépression forte s’approche, certains dont Gael décident de parcourir 80 milles pour aller s’abriter à Nuku Hiva.



la rue principale de Hapatoni


les fûts de gazoil cachent la génératrice du village
  
Un énième franchissement de canal, le retour à Atuona pour déposer Julien. Atuona est aussi sous les eaux, la grande falaise du mont Takao (près de 1200m) crache des cascades de plusieurs centaines de mètres, la montagne est rincée, la mer est marron, jonchée de coco, de bois et de troncs flottant, on pourrait presque aller à pied d’un bateau à l’autre. A bord d’Arumbaya des serviettes et une bassine récupèrent l’eau qui passe par les hublots de moins en moins étanches… 






Alexis a déménagé pour aller rompre la solitude de Bertrand, répartissant ainsi les équipages pour la traversée à venir : à la première accalmie on relève l’ancre direction Hapatoni, escale en attendant les vents qui nous porterons à Fatu Hiva. Hélas les vents ne viendrons pas, au lieu de cela un second coup de vent nous guette, rendant délicat le mouillage dans l’île du sud, décision est prise un soir : départ le lendemain matin vers le nord, retour à Nuku Hiva. 

Arumbaya...

toujours bord à bord avec El Vadrouil'





Presque 24h de navigation nous attendent, des grains, de la pluie, de la pétole en alternance en ont fait une nav agitée. Les winchs ont tournés toute la nuit pour remettre et enlever de la toile sans arrêt. L’allure principale est le près, nous ne naviguons qu’au près, Arumbaya y est à l’aise, sans trop de houle et lorsque le vent adonne nous tenons sans forcer à plus de 7 nœuds, un vrai régal depuis que nous somme amarinés! Nous tenons de longs quarts, Deb est complètement autonome et arrive à me laisser dormir 4h dans ces conditions, ca ronronne!

Comme cet article est dédié à la pêche il est de bon gout de traîner la ligne. Et comme d’habitude c’est au levé du soleil que ca part, un thazard sur chaque ligne, en même temps, le plus gros à mordu sur la canne, ce sera sont salut, le bestiau bagarreur à l’approche de la jupe du bateau à retenté de plonger, brisant la canne en trois morceau… par chance une garcette assure toujours le moulinet au balcon, la bête est remontée. La seconde ligne est toujours en tension, pendant ce temps le poisson s’était noyé, nous le remontons déjà mort. On estime les prises à 10 et 15kg.


Nuku Hiva est en vue, nous visons la baie de Taiohae ou nous espérons vendre nos poissons. Nous mouillons à coté d’El Vadrouil’ et partons à l’assaut du village, on vend quelques morceaux et en échangeons d’autre contre des fruits, mission réussie.


Taiohae est une jolie baie mais elle grande et sure pour les voiliers, on y compte pas moins de 70 bateaux, c’est l’usine, sans compter les deux bateaux de croisière qui livrent leurs lots de touristes couverts de crème solaire. Dès le lendemain nous naviguons donc vers une petite baie, Hakaui, nous sommes presque seuls et tellement bien abrités que nous mettons les deux bateaux à couple afin de faire un bel espace de vie.




L’endroit est fantastique, nous sommes enfermés dans les montagnes, au bord de gigantesques falaises d’où s’échappent quelques cascades, des raies Manta évoluent autour des bateaux, waouh!

La plage au fond de la baie nous attire, nous mettons le pied à terre et partons en excursion, damned c’est infesté de nonos, vous vous rappelez, ces moucherons quasi invisibles qui pompent le sang en laissant des boutons qui grattent pendant 5 jours et sujets à l’infection ? Sur le coup nous ignorons les piqures et remontons des chemins de chèvres sauvages dans la végétation.











le village d'Hakaui, les feux éloignent moustiques et nonos







Puis l’instinct de chasse nous reprend, motivé par les piqures de nonos que seuls soulagent l’eau et les plumeaux d’ananas, nous collectons utu, carangues, perches et langoustes (de nuit). Nous allons au village avec une partie de nos prises, nous en donnons et en échangeons contre des fruits. Il faut dire que cette vallée est particulièrement riche, dans le décor se confondent ananas, bananiers, pamplemoussiers, citronniers, manguiers, papayers, et j’en passe, le tout en quantité incroyable. Ici habitent uniquement des cultivateurs et chasseurs qui revendent leurs fruits à Taiohae. Pour notre part nous regagnons le bord avec nos propres poids en fruits et nous sommes embauché pour convoyer un stock vers Taiohae, il y a là plusieurs centaines de kilos de pamplemousses et citrons en sacs. Nous répartissons la marchandise sur 3 voiliers en naviguons ensemble vers la destination. En retour lorsque nous repasserons à Hakaui nous aurons des fruits et, espérons, de la viande.








l'unique "rue" du village



Pour le moment nous sommes encore à Taiohae, nous mettons les voiles demain vers Ua Huka pour une semaine puis revenons embarquer une amie d’alexie et surement ensuite Julien et Julie qui nous rejoindrons en avion pour une virée à Ua Pou.

Toutes nos condoléances aux familles des divers poissons qui n’ont jamais pu rejoindre leurs abris, nous voyons dans la pêche un moyen de freiner les dépenses en attendant des jours meilleurs pour la santé cardiaque de nos banquiers…

En vous souhaitant une bonne et joyeuse, Karoutchô!!!!

En guise de générique de fin, les photos sous marine de Bertrand...